Entretien avec Jean-Loup MENOCHET, historien local

jean-loup menochet

Lors de la Conférence Mer & Santé, Jean-Loup MENOCHET présentera « Les pionniers de la thalassothérapie sur la Côte Basque (1860-1960) : de Napoléon III à Louison Bobet ».

Aquae : Quel est votre parcours d’historien ?

Jean-Loup Menochet : J’ai réalisé des études d’Histoire et d’Histoire de l’art, au cours desquelles je me suis passionné pour l’histoire de l’architecture. Etant originaire de la côte Atlantique, j’ai toujours entretenu des liens très forts avec les villes de bord de mer. C’est pourquoi j’ai choisi de me spécialiser plus particulièrement dans l’histoire de l’architecture balnéaire.

Alors que je préparais un mémoire sur le sujet, j’ai rencontré au début des années 2000 la propriétaire du château d’Ilbarritz, un lieu emblématique de la Côte Basque, exceptionnel en termes d’architecture thérapeutique et climatique. Elle souhaitait y développer des activités en lien avec l’hôtellerie et la restauration. J’ai été chargé de collecter et d’analyser toutes les informations et les archives qui se rapportaient au lieu et à son constructeur, en vue d’en organiser sa réhabilitation. Mes découvertes m’ont ainsi conduit à me spécialiser dans l’architecture des sites liés à la médecine climatique puis, de manière plus générale, dans l’histoire de la médecine climatique.

A : Lors de la Conférence Mer & Santé, vous présenterez « Les pionniers de la thalassothérapie sur la Côte Basque (1860-1960) ». Pourquoi avoir choisi la période significative de Napoléon III à Louison Bobet ?

J-L. M. : Lorsque le Dr Barucq m’a demandé d’intervenir à l’occasion de la conférence Mer & Santé, il m’a semblé intéressant, au cours de ce colloque médical, de replacer la thalassothérapie dans un contexte historique. Or la période allant de Napoléon III à Louison Bobet est certainement la plus emblématique.

L’ère chrétienne a été sombre pour la thérapie par les eaux; les ablutions étaient alors considérées comme païennes. Au 18ème siècle, les bains de mer ont été redécouverts d’une manière médicale, l’action des vagues et l’eau sous pression étant sensées guérir la débilité, mais aussi à des fins de loisirs. Les Bayonnais fréquentaient ainsi les plages de la côte et leurs « bains d’amour », cuvettes d’eau qui se formaient dans les trous de rochers lorsque la mer se retirait, et où aimaient à se retrouver jeunes filles et garçons.

Mais c’est seulement à partir de Napoléon qu’il va y avoir l’institution des bains de mer dans le cadre d’un développement politique, médical, d’hygiène et de structure urbaine. On entre alors dans une ère moderne où apparaissent des analyses médicales, où la recherche prend un essor considérable ouvrant la voie à une période florissante pour la thalassothérapie, jusqu’à Louison Bobet, qui va organiser le secteur tel qu’on le connaît aujourd’hui.

A : Quelles ont été les grandes évolutions de la thalassothérapie sur la Côte Basque ?

J-L. M. : D’un point de vue médical, on distingue plusieurs grandes périodes : à la fin du 18ème siècle et au début du 19ème siècle, on réalise des « bains de fous » où on amène les personnes considérées comme débiles à la plage où la force des vagues et la violence de l’eau froide océanique sont censés leur rendre la raison. Puis, dans les années 1850, apparaît la société des bains de mer, les premiers bains fondés par Napoléon III et Biarritz se développe alors de manière exponentielle. A partir des années 1870, des initiatives privées sont lancées, comme cela est le cas avec le château Ilbarritz ou les thermes salins, et les médecins commencent réellement à étudier le soin par l’eau salée. On lie alors la médecine climatique à la médecine par l’océan. C’est à la fin du 19ème siècle et début du 20ème siècle que les hôpitaux marins se développent avec le premier sanatorium inauguré à Hendaye en 1899. La guerre et les gazages des soldats vont précipiter l’implantation d’hôpitaux marins sur la côte basque. De son côté, constatant que le climat, l’environnement et la proximité de l’océan étaient salvateurs pour les personnes malades, le Dr Peyret fonde en 1919, le centre hélio marin « les Embruns » de Bidart après avoir constaté, en tant que médecin à l’Hôpital Militaire n°83 installé entre 1914 et 1922 au château d’Ilbarritz, les effets positifs du climat de la côte sur les malades atteints de troubles respiratoires.

D’un point de vue des loisirs et du bien-être, j’ai déjà évoqué les « bains d’amour» où les basques aimaient à se baigner et à se conter fleurette. L’impératrice Eugénie, épouse de Napoléon III, a été dans ce sens, en instituant, en parallèle du développement médical de la thalassothérapie, le principe de bien-être et de loisirs associés aux bains de mer. Ce phénomène s’est accéléré durant les années folles, et plus tard, avec les premiers congés payés. Mais c’est après la deuxième guerre mondiale, que cette tendance explose et où l’on « consomme » littéralement l’océan et ses bienfaits. Les établissements dédiés, généralement issus de centres médicaux marins ou d’hôtels traditionnels, se multiplient alors localement.

A : Qu’en est-il de la thalassothérapie aujourd’hui au niveau local ?

J-L. M. : Je m’exprime ici plus en tant qu’observateur qu’historien : j’ai le sentiment qu’aujourd’hui on consomme la thalassothérapie comme un service, un loisir et non comme un véritable outil médical et thérapeutique. Ce qui est vraiment dommage. Car on dispose d’un élément vraiment naturel, qui, médicalement, peut parfois être une véritable alternative à la chimie.

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