EXEMPLE. Son nom, Eric Dargent. Sa mission, faire en sorte de ne plus jamais entendre « Ce n’est pas possible ! ». Une jambe en moins mais une détermination à déplacer des montagnes. Son carburant : le surf. Sa destination : les sommets. Le tout en covoiturage pour que ses prothèses révolutionnaires profitent à tous. Tout est possible !
Propos recueillis avec Yassine Ayadi, Hugo Chevassus et Paul Mettetal (collège Jean Rostand, Biarritz, 64)
Les reporters “Mer & Santé”
Cette interview a été co-réalisée par des élèves de 4e B du collège Jean Rostand de Biarritz (64), à l’occasion de la conférence “Mer & Santé” et dans le cadre des ateliers de journalisme “Apprentis Reporters pour la Terre” développés et animés par ya’com (bportrat@yahoo.com ; issuu.com/beniat). Objectifs : impliquer les citoyens de demain en les faisant enquêter sur l’univers marin et ses vertus sur notre bien-être, vulgariser cette information pour la diffuser au plus grand nombre, bâtir un pont transgénérationnel !
Bonjour Éric Dargent, pouvez-vous vous présenter aux lecteurs de “Mer & Santé” ?
Eric Dargent, 36 ans, une femme, trois enfants, infirmier libéral. J’habite Martigues (à 30 min de route de Marseille), c’est là que j’ai débuté le surf à 9 ans. Ça peut paraître surprenant depuis Biarritz et l’océan Atlantique, mais l’hiver en Méditerranée, on peut surfer jusqu’à trois fois par semaine dans de bonnes conditions… et une eau propre ! Je pratique aussi le stand-up paddle, le skate, le snow, le funboard : je suis un passionné des sports de glisse ! Le surf, ma passion n°1, m’a conduit à voyager : France, Espagne, Portugal, Maroc, Guadeloupe et… l’île de La Réunion où j’ai eu mon accident.
Que vous est-il arrivé ?
C’était à la fois très dur à vivre et en même temps très intense : j’ai failli mourir… C’était le 19 février 2011 sur la côte ouest, à Trois-Roches “Perroquet” (à côté des Roches-Noires). Ça faisait 1h45 que je surfais et je m’apprêtais à sortir quand un requin bouledogue m’a attrapé la jambe gauche. Je me suis débattu mais j’ai eu l’impression d’avoir à faire à un énorme muscle tendu en action, c’est comme si je tapais sur un morceau de tôle ! Tout s’est passé très vite… Au bout de quelques secondes, j’ai senti que “ça relâchait”, mais il était parti avec ma jambe… Le choc ! Je me suis senti partir, alors que ma femme et mes enfants m’attendaient sur la plage… Mais j’ai reçu aussi toute cette adrénaline positive : je voulais continuer à vivre ! J’ai nagé jusqu’à la barrière de corail, je me suis serré la cuisse très fort avec mes mains pour réduire l’hémorragie jusqu’à ce qu’un surfeur me fasse un garrot avec son lycra.
Les secours sont arrivés une demi-heure après et c’est là seulement que j’ai commencé à avoir mal. Mais j’étais sauvé. Comme quoi, on a tous en soi cette énergie, cette possibilité de rebondir, même dans les pires moments. J’avais 4/2 de tension, j’aurais dû tomber dans les pommes mais je me souviens que la première chose que j’ai demandée c’est qu’on aille me chercher ma planche ! J’étais déjà dans l’optique de resurfer un jour…
Est-ce que vous en voulez au requin ?
Non, je ne lui en veux pas car c’est un prédateur et il a besoin de se nourrir pour survivre. Par contre, j’en veux à l’Homme car la situation a depuis empiré à la Réunion (6 attaques dont 4 mortelles) sans que l’on puisse trouver pour autre solution que d’interdire sur l’île le surf et les autres activités nautiques. Je n’ai pas été imprudent ce jour-là : l’eau était claire, il faisait jour, on était nombreux à l’eau et sur une côte ouest jusque-là peu fréquentée par les squales… Si les requins ont changé leurs habitudes, c’est très probablement à cause de l’Homme. J’ai beaucoup de peine par rapport à ce qui se passe actuellement là-bas ; j’espère que l’Homme finira par trouver harmonieusement sa place dans ce système écologique.
Comment avez-vous “refait surface” ?
Déjà, grâce à l’amour de ma femme et de mes enfants ! Ensuite, grâce au soutien de mes proches, des membres du Lou Martegue Surf Club, d’amis de toute la Méditerranée mais aussi du Pays basque (les surfeurs Manu Portet, Antoine et Edouard Delpero). En même temps, moi qui étais très indépendant, j’ai dû accepter cette aide et -du coup- accepter mon handicap. À partir de là, j’ai commencé à chercher sur Internet des gens qui arrivaient à surfer avec une jambe en moins. J’ai trouvé un dénommé Pirata (piratasurf.com.br), un surfeur brésilien qui se servait de ses mains comme appui. Mais moi, je voulais surfer debout ! C’est là que j’ai découvert l’association Vagdespoir (vagdespoir.com) et son président Ismaël Guilliorit qui m’a dit : « C’est génial ! J’ai encore jamais vu un surfeur amputé fémoral (au-dessus du genou) qui se soit remis au surf ! On va trouver des solutions, tu seras le premier ! » Ça m’a bien motivé et Ismaël m’a d’ailleurs aidé à mettre au point le pied de ma prothèse surf. Mais avant cela, j’ai essuyé de nombreux refus de la part de prothésistes. Comme les médecins, ils me disaient que je ne pourrais jamais resurfer avec une cheville et un genou en moins… L’un voulait me retailler le moignon et tous m’assuraient que l’objectif restait la marche.
Mais vous avez fini par trouver “chaussure à votre pied” ?
Oui ! Bertrand Tourret Couderc est lui aussi un passionné de la mer, il est originaire de Biarritz et exerce son métier de prothésiste à Marseille. Avec la société Proteor Handicap Technologie (proteor.fr), nous avons ensemble pu trouver un prototype de prothèse pour les amputés fémoraux qui voudraient resurfer. Nous avons ainsi adapté pour le surf une articulation de genou destinée au VTT (conçue initialement par le champion de descente américain Brian Bartlett). Ce “genou sportif BTK” dispose d’un amortisseur et de différents jeux de tendons en élastomère, plus ou moins durs selon le sport pratiqué. En surf, le défi reste de pouvoir se fléchir sans que le genou lâche ! Avant cette collaboration avec Proteor, j’avais bidouillé des tendons avec des sandows de fusils-harpons ! Aujourd’hui, nous sommes parvenus à un dispositif -perfectible encore- mais qui tient la route ! Par ailleurs, je me suis attaqué au shape (fabrication) de planches adaptées à mon handicap. Je mets par exemple plus de volume sur l’avant de la planche pour stabiliser mon appui prothèse et moins à l’arrière pour m’aider à manœuvrer. J’ai aussi aménagé une encoche pour y clipper mon pied de prothèse, ceci afin de ne pas glisser quand je fais une figure. Enfin, j’ai dû modifier ma technique pour me lever sur la planche et aussi redécouvrir l’équilibre grâce à de longues sorties en stand-up paddle. Du temps, de la détermination mais aussi de l’argent : ma prothèse de surf coûte par exemple 16 000 € ! Et la Sécurité sociale française ne rembourse que les prothèses de marche…
D’où votre association ?
J’ai créé l’association Surfeur Dargent (associationsurfeureric.com) pour que d’autres personnes handicapées comme moi puissent (re)surfer, connaître (de nouveau) cette sensation grisante de glisser. 1er objectif : améliorer encore cette prothèse surf pour amputé fémoral. 2e objectif : récolter des fonds pour que ces progrès technologiques profitent au plus grand nombre (à travers par exemple l’évènement “Surfeur Dargent”, dont la 3e édition s’est tenue en juin dernier au Port de Carro à Martigues). 3e objectif : me lancer des défis pour continuer à avancer, l’hiver dernier c’était resurfer de grosses vagues à Guéthary (Pays basque), l’hiver prochain ce sera peut-être tester le surf tracté !
En quoi le surf vous-a-t-il aidé à surmonter votre handicap ?
Déjà, le surf -de par ses appuis- est une activité bien moins douloureuse que la marche… Et si je surfe moins bien qu’avant, les sensations sont décuplées et m’apportent beaucoup de plaisir, de bonheur ! Quand je surfe, j’oublie mon handicap, je me concentre sur l’océan, les vagues, la glisse. Quand j’arrive avec ma prothèse et ma planche sous le bras, les gens me regardent et je ressens une certaine fierté. J’ai un handicap mais c’est possible, j’y vais, je suis capable et je vous le (dé)montre ! Le surf permet de changer ce regard sur le handicap. D’ailleurs, quand je vais juste bronzer sur la plage, ce regard est différent et me blesse. Le surf est essentiel pour moi, merveilleux, c’est cette liberté de se fondre dans la vague, dans la Nature, on n’est plus soi, on glisse… Mais ce n’est finalement pas le surf qui a été le pilier de ma rééducation, c’est ma passion du surf. Quelle que soit votre passion -surf, marche à pied ou je ne sais quoi encore- elle vous aidera à rebondir, à avancer, à aimer.
Avez-vous repris votre travail d’infirmier ?
Non, car pour exercer mon métier, je dois beaucoup marcher… Et marcher crée beaucoup de frottements entre ma prothèse et mon moignon, provoquant douleurs, irritations voire saignements. J’aurais aimé retravailler sur un temps partiel, mais cela semble compliqué pour moi. Alors reprendre mes études pour devenir ostéopathe, une profession que l’on pratique plutôt en position assise et en cabinet, est une possibilité qui me plairait bien. Mon métier me manque !
« Je me suis senti partir, alors que ma femme et mes enfants m’attendaient sur la plage… Mais j’ai reçu aussi toute cette adrénaline positive : je voulais continuer à vivre ! »
« On a tous en soi cette énergie, cette possibilité de rebondir, même dans les pires moments. »
« J’avais 4/2 de tension, j’aurais dû tomber dans les pommes mais je me souviens que la 1re chose que j’ai demandée c’est qu’on aille me chercher ma planche ! »
« Moi qui étais très indépendant, j’ai dû accepter cette aide et -du coup- accepter mon handicap. »
« Avant cette collaboration avec Proteor, j’avais bidouillé des tendons avec des sandows de fusils-harpons ! »
« Ma prothèse de surf coûte 16 000 € ! Et la Sécurité sociale française ne rembourse que les prothèses de marche… »
« Quand j’arrive avec ma prothèse et ma planche sous le bras, les gens me regardent et je ressens de la fierté. J’ai un handicap mais c’est possible ! Le surf permet de changer ce regard sur le handicap. »
Belle revanche, ode à la volonté !
je suis amputée fémoral gauche je cherche un des personnes ou un club pour m’initier au surf ou wanesskie ou autre , mais avec mes moyens limitees (aah) merci de me conseiller
jean luc
ps je suis libre geo graphiquement